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L’ABBÉ PIERRE : UNE VIE DE COMBATS

Né le 5 août 1912 et décédé le 22 janvier 2007, l'Abbé Pierre fut un ancien élève du Lycée Saint-Marc. Ce film, sorti en salle le 8 novembre 2023,relate l'histoire de sa vie et de ses combats, a été sélectionné par le festival de Cannes 2023. 

 

    

Né dans une famille aisée, Henri Grouès a été à la fois résistant, député, défenseur des sans-abris, révolutionnaire et iconoclaste. Des bancs de l’Assemblée Nationale aux bidonvilles de la banlieue parisienne, son engagement auprès des plus faibles lui a valu une renommée internationale. La création d’Emmaüs et le raz de marée de son inoubliable appel de l’hiver 54 ont fait de lui une icône. Pourtant, chaque jour, il a douté de son action. Ses fragilités, ses souffrances, sa vie intime à peine crédibles sont restées inconnues du grand public. Révolté par la misère et les injustices, souvent critiqué, parfois trahi, Henri Grouès a eu mille vies et a mené mille combats. Il a marqué l’Histoire sous le nom qu’il s’était choisi : l’Abbé Pierre.

 

Un Prix Goncourt au lycée Saint-Marc

Nous sommes très fiers de compter parmi nous le Prix Goncourt 2011 en la personne d'Alexis Jenni, professeur de Sciences de la Vie et de la Terre au lycée depuis 1997.

Ci-dessous, une compilation d'articles et de photos en mémoire de ce moment historique.

Alexis Jenni : un Goncourt au goût français

Il y a moins d'un an, Alexis Jenni pensait qu'il ne serait jamais qu'un "écrivain du dimanche". Que, peut-être, il était condamné à inventer des histoires dans son coin, "comme d'autres vont à la pêche", après avoir passé la semaine à enseigner la biologie dans un lycée. Et puis ce Lyonnais de 48 ans, père de trois enfants, qui écrit essentiellement dans les cafés de sa ville, a terminé L'Art français 

de la guerre, envoyé son manuscrit et, en mars, Gallimard l'a accepté. "Ils m'ont donné quinze jours pour couper cinquante pages, racontait-il au mois d'août. Ils voulaient que je cravache pour pouvoir sortir à la rentrée littéraire." Il disait alors : "Je suis exactement là où je voulais être, mais où je pensais que je ne parviendrais jamais." Cela, c'était quelques jours avant la publication de son roman, quand les premiers échos de la presse et des libraires semblaient lui annoncer une réception favorable.

Et maintenant qu'il a remporté le prix Goncourt, où est-il ? Visiblement haut sur l'échelle du bonheur, installé dans une forme d'euphorie paisible, pas fanfaronne.

Et maintenant qu'il a remporté le prix Goncourt, où est-il ? Visiblement haut sur l'échelle du bonheur, installé dans une forme d'euphorie paisible, pas fanfaronne. Le Goncourt, c'était "trop énorme" pour qu'Alexis Jenni croie possible de le remporter, jusqu'à la dernière minute : "C'est un symbole : même les gens qui ne lisent pas savent de quoi il s'agit, disait-il au soir du 2 novembre au Monde. Au-delà d'une institution qui démultiplie l'audience d'un livre, c'est une tradition française presque légendaire." En quelque sorte, un des aspects de l'identité nationale. Qui se trouve être l'un des sujets sous-jacents et fondamentaux de L'Art français de la guerre.

Le roman se construit sur un constant aller-retour entre des passages campés dans une France actuelle, pris en charge par un anonyme narrateur, et les récits guerriers que lui fait Victorien Salagnon, ancien résistant devenu parachutiste en Indochine et en Algérie. Cet épais roman, dont le souffle ébouriffant vire parfois à l'emphase, interroge ainsi, entre mille autres choses, la manière dont l'histoire d'un pays est transmise d'une génération à l'autre.

"Jenni - c'est mon vrai nom ! - vient de Suisse allemande, racontait en août le primo-romancier. Mon ascendance côté paternel est quelque chose de mal connu, alors sans vouloir faire de l'analyse sauvage et facile, il n'est pas étonnant que cette question de la transmission soit importante pour moi." Parmi les manuscrits restés depuis des années dans les tiroirs d'Alexis Jenni figure un roman historique situé au XIXe siècle, dans lequel le héros se rend en Suisse sur les traces de son père. Cela dit, l'écrivain ne croit absolument pas au terroir - "C'est bon pour les pommes de terre" - et explique : "A la bataille de Marignan, en 1515, mes ancêtres ne combattaient pas du "bon" côté. Pourtant, il n'y a pas plus français que moi, aujourd'hui : je nourris de grandes passions pour le verbe, la littérature, l'Etat qui s'occupe de tout, et je me suis créé ma place dans la société grâce aux études et aux concours..." Preuve pour lui, semble-t-il, que certaines questions méritent d'être envisagées à plus ou moins long terme.

Les parties actuelles de L'Art français de la guerre montrent un pays travaillé par la tentation du repli sur un impossible entre soi, sur "une identité nationale catholique, une identité de petite ville le dimanche", écrit-il. Un pays, aussi, qui rejouerait dans ses banlieues, avec ses populations immigrées, installées récemment ou depuis plusieurs générations, ses guerres coloniales perdues.

Là où on pourrait lire une méditation sur la société postcoloniale, d'autres ont voulu voir un roman rance, nostalgique du bon vieux temps des colonies, comme si Alexis Jenni épousait le discours de son Victorien Salagnon - comme si, aussi, l'auteur était contaminé par la réputation sulfureuse de son éditeur chez Gallimard, Richard Millet, peu connu pour son ouverture à la différence culturelle et religieuse, et duquel il se distancie respectueusement. Le procès en ambiguïté idéologique qui lui a été fait par quelques critiques, et qui devrait bientôt gagner de l'ampleur, Goncourt aidant, "peine" Alexis Jenni, qui disait, mercredi soir : "Il faut n'avoir pas lu mon livre en entier, ou ne rien y avoir compris, pour m'adresser des reproches pareils. "

C'est le risque qu'il a pris en choisissant de prêter sa plume à un "salaud" comme Salagnon plutôt que de nier son existence, et en s'appuyant sur ses éructations, ses histoires de massacres et de crapahutage dans la jungle pour faire de son ouvrage "un roman d'aventures" : l'envie d'en écrire un est le point de départ de L'Art français de la guerre. Il expliquait en août : "Je suis né en 1963, un an après la fin de la guerre d'Algérie. J'ai grandi à une époque où la France semblait être un peu sortie de l'histoire, où on s'occupait essentiellement de son enrichissement. Pour moi, un roman d'aventures était en quelque sorte une compensation à ce monde heureux et terne dans lequel j'avais vécu."

Il situe la fin de cette parenthèse en 1991, année, entre autres, de la première guerre du Golfe, sur laquelle s'ouvre son livre, et lors de laquelle ce fils d'une famille de gauche élevé dans une détestation de l'armée tendance Charlie Hebdo, réformé du service militaire, a commencé à s'interroger sur les raisons pour lesquelles les militaires français étaient honnis, "exclus du corps social", "alors que ça n'est pas le cas dans la plupart des autres pays". "Comme s'ils portaient une culpabilité collective."

Alexis Jenni a ainsi fini par écrire un livre qui est à la fois une réflexion complexe et profonde sur "la pourriture coloniale", sa manière d'infecter, encore et toujours, la société française, et un roman d'aventures. Sans y voir de contradiction. Dans l'ensemble, de toute façon, cet homme solaire et sympathique semble disposé à accorder les prétendus inconciliables. Arrivé à la lecture, adolescent, par la science-fiction (l'un de ses premiers manuscrits, refusé, s'apparentait à ce genre), il ne jure désormais que par une littérature "formelle, un peu abstraite, où tout se joue dans la manière de faire vibrer la phrase", avec Pascal Quignard pour idole... mais il a écrit un livre à haute teneur romanesque, bourré de personnages et d'histoires.

Scientifique, il compte sur la littérature pour l'aider à comprendre le monde. Auteur d'un énorme roman, il rêve du "silence " et de la "simplicité " du dessin, qu'il pratique en amateur sur son blog au titre presque oxymorique de "Voyages pas très loin" (Jalexis2.blogspot.com). Il dit aussi que c'est en accumulant "les petits bouts d'histoire et de réel" qu'il a fini, après cinq ans de travail, ce livre spectaculairement ample.

Paradoxe encore, le Prix Goncourt 2011 confiait en août avoir longtemps "entretenu des rapports ambivalents" avec l'écriture, pas très à l'aise avec la fatuité qu'il y a à déclarer "j'écris" : "Quand quelqu'un m'annonce ça solennellement, je me mords les joues pour ne pas rire", disait-il de sa voix de basse, avant que n'éclate son rire tonitruant. L'iconique bandeau rouge qui barde désormais son premier roman l'aidera sans doute à prendre de l'assurance pour expliquer ce qu'il fait, avec son ordinateur, dans les cafés lyonnais.

Raphaëlle Leyris - Le Monde

Rencontre au lycée Saint-Marc à Lyon avec les collègues d’Alexis Jenni, récompensé mercredi pour L’Art français de la guerre.

L’Abbé Pierre, les anciens gardes des Sceaux Dominique Perben et Michel Vauzelle, Jean-Baptiste Maunier, le jeune comédien des Choristes… Monsieur le directeur adjoint égrène le nom des célébrités passées par le lycée privé Saint- Marc, de tradition jésuite. Dès demain, Cyril Dusautoy ajoutera une mention "professeur célèbre, Alexis Jenni, Prix Goncourt 2011".

Mercredi midi, quelques minutes à peine après l’annonce chez Drouant de l’attribution de la prestigieuse récompense au prof de bio de Lyon, le téléphone de l’établissement s’est mis à sonner. "Déjà des journalistes voulaient venir faire des reportages chez nous. C’est comme si tout Saint-Marc avait reçu le prix Goncourt", s’exclame le directeur adjoint, qui s’improvise pour la circonstance parfait attaché de presse de l’établissement. "J’ai une copieuse liste de médias candidats à suivre Alexis dans sa classe la semaine prochaine." Face à la demande, la direction et l’auteur ont tranché : pas de reportage en classe, photos et interviews possibles lors du pot de félicitations organisé demain midi par les collègues du professeur de SVT (Sciences de la vie et de la Terre). Pour les parents d’élèves, patience : une séance de dédicaces aura lieu prochainement au lycée.
Un prof de SVT à la fois cool et exigeant.Dans les couloirs de Saint-Marc comme en salle des professeurs, monsieur Jenni bénéficiait d’un fort capital sympathie bien avant le Goncourt. "C’est un prof cool et exigeant à la fois", s’accorde à reconnaître un petit groupe de lycéens en classe de terminale S

Capable de poser avec ses élèves, déguisé en Batman, le dernier jour de l’année scolaire. Ou de prendre des postures de tai-chi dans 

l’enceinte du lycée. "Un prof atypique dans sa manière d’enseigner, explique Louise. Il raconte sa matière plutôt que de nous l’imposer. Avec lui, la biologie devient romanesque."
Un raconteur discret sans aucun roman publié, qui a longtemps caché son jardin secret même si ses pairs se doutaient de quelque chose. Certains l’ont ainsi aperçu au café Bellecour, carnet et stylo à l’

oeuvre. D’autres se délectaient à la lecture de ses articles dansInitiales, la revue du lycée. "Moi, quand j’avais entre les mains un article d’Alexis, j’adorais m’isoler avec une tasse de thé et un carré de chocolat…", rosit Véronique Gomez, préparatrice des TPE (travaux personnels encadrés) de sciences. La plupart des profs de Saint-Marc appréciaient, dans la revue lycéenne, le style "alerte", "vif" et "charnel" d’Alexis Jenni. De là à l’imaginer capable deromancer 600 pages…
"Alexis, on le voit tout le temps avec ses calepins, prendre des notes ou dessiner", poursuit Véronique Gomez, qui le connaît depuis treize ans. Il griffonne dans la salle des profs, pendant des conférences culturelles, en cours même. L’an dernier, un élève, persuadé que son professeur s’ennuyait, a pris la mouche parce que monsieur Jenni dessinait pendant une séance d’expériences. Le cours suivant, l’enseignant pris sur le fait dut expliquer qu’il dessinait non pas par désintérêt, mais parce que "le contact entre le crayon et le papier l’aidait à se concentrer".
"Il m’a confié récemment avoir besoin de sa dose d’écriture quotidienne pour être de bonne humeur, souligne Cyril Dusautoy, fort admiratif. Il doit écrire beaucoup parce qu’il est toujours souriant." Le directeur adjoint conseille, pour se faire une idée de "l’étendue des talents" du "brillant Alexis", de consulter son blog, intitulé en un presque oxymore Voyages pas très loin(jalexis2.blogspot. com). L’auteur y mêle pensées légères et croquis pris sur le vif.

Un philosophe en puissance

"À la lecture de son roman, on se rend compte qu’il pourrait être également prof de lettres et d’histoire", assure Françoise Masson, enseignante en philo.

"À la lecture de son roman, on se rend compte qu’il pourrait être également prof de lettres et d’histoire", assure Françoise Masson, enseignante en philo. Cette fan de la première heure du professeur Jenni s’est ruée dès le mois d’août à la librairie lyonnaise Decitre pour acheter L’Art français de la guerre et découvrir l’écrivain Jenni. "Même si c’est de la fiction, j’ai reconnu 

Alexis dans sa manière de décrire les atmosphères, et cette attention toute particulière à la lumière, lui qui aime marcher et goûter à celle des quais de Saône."
Françoise Masson a connu Alexis Jenni à ses débuts à Saint- Marc. C’était en 1992, il assurait alors un remplacement en maths avant de décrocher un poste en sciences. "Malgré nos disciplines qui a priori nous opposaient, j’ai 

tout de suite eu des atomes

crochus avec lui. Il a une rare finesse intellectuelle. C’est un philosophe en puissance, un grand monsieur déguisé en Monsieur Tout-le-monde." Cette collègue perçoit même une pointe de Socrate dans ce Jenni. "Il a l’art de faire naître des idées chez ses élèves et ses interlocuteurs, d’initier la réflexion… Vous connaissez la maïeutique? Eh bien, Alexis est un accoucheur."
 

Adeline Fleury, envoyée spéciale à Lyon (Rhône) - Le Journal du Dimanche
dimanche 06 novembre 2011